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Pour Bill VIOLA, il s’agit de sculpter le temps :
« Le temps est la matière première du film, ce que l’on travaille, c’est du temps. »

Corps d’eau

Corps d’eau : au reflux de la mer, l’architecture de l’eau.

Les Murées

Les Murées : un tag magnifique aux Ardoines (94). Auteur inconnu… Filmé en 2004. Recouvert depuis…

Une Peur Bleue

Une peur bleue : un film expérimental sur les entrepôts de Bercy à Paris, « lieu solitaire dans l’illusion collective ».

Une peur bleue est composée à partir de chutes de films et de bandes-son distinctes. J’ai cherché par le rythme à donner du sens au défilement des scènes, avec l’intention d’une musicalité visuelle. Les scènes ont du sens car on les distingue et les retient. Elles sont découpées en séquences dont les durées sont croissantes suivant la suite de Fibonacci. Les séquences s’alternent avec celles d’autres scènes. Leur rythme participe à la perception de l’ensemble. Le son est distinct des scènes, et il est composé sur la même proportion de durée. Le rythme du visuel et du sonore architecture la perception et donne du sens à l’interprétation. Des situations s’imaginent, une histoire s’achemine. La première partie du film évoque le contrôle par la peur. En deuxième partie, le sens est l’errance dans un lieu en déshérence.
Film 15mm, composé en 1980 avec Jean-Christophe Panchèvre à l’École d’architecture de Paris-la Villette. Mis à jour en 2010.

LES ENTREPOTS DE BERCY, LIEU SOLITAIRE DANS L’ILLUSION COLLECTIVE
par Jean-Chrétien FAVREAU – Paru en 1979 aux éditions Anthropos dans « L’imaginaire, l’espace et le pouvoir urbain ».

La Seine s’épanche dans son lit. Les flux polissent les matières suivant le cours du moindre effort. Aux rives de Bercy à Paris, 40 hectares enclos de grilles rouillées affleurent les nappes phréatiques. Les platanes sont des piliers centenaires. Dans cette frange échouaient au Moyen Age, lépreux et pestiférés. Ensuite, ce lieu devint un entrepôt du vin par transport fluvial, pour assouvir de ce liquide à fleur de Seine, Paris théâtre de capitale et dans la ville immense en différences « les paradis artificiels ». Ce vaste enclos urbain n’embouteille plus, il est vacant dans l’embouteillage à l’entour. Dans cet espace en déshérence, les boursouflures des platanes font des fentes et rondeurs lubriques. Le lieu abandonné aux spasmes essentiels par la vacance des fonctions urbaines, sent l’humus et la mousse. Sa désoccupation est préoccupante. Dans les ruines de la première charge officielle, cette fin d’été 79, une chambre forte à porte blindée, déité des bulldozeurs, attend son ferrailleur, et par les hublots ouverts, les cuves noires sont pleines d’ombre. Les prochaines démolitions, chiffres blancs sur fond gris, abritent caisses de comptes et tiroirs vides, casiers, cageots, cartons mous, bidons d’huile, paperasserie, saloperie, bouteilles vides, tessons, merdouilles et quelques chaises. Dehors la lumière sur les pavés silencieux, la lenteur des chats le long des maisons basses, ont valeur d’immesure. Ici sera bâtie la valeur mesurée d’un vélodrome. La frénésie impulsive des inquiétudes, la dictature des flippés, plantera son stade dans la combe moite hygiénisée. À l’intérieur, un circuit fermé où la valeur est chronométrée. Les cultuels de Timing s’efforcent de gagner du temps. 8 minutes 27 sec et ondizième d’un conte à la compte, c’est un spectacleau goût de turbin où la vérité collective excise la valeur solitaire. Le vélodrome n’est pas un espace ludique. C’est un espace d’illusion collective autour d’une piste fermée où l’attention se polarise sur les efforts d’un souffre douleur de la bécane. Là, 10.000 spectateurs seront captivés par quelques centièmes de secondes. Le spectacle forcené donnera l’illusion des retrouvailles autour d’une valeur dominante : l’occupation du temps. Les cultuels de Timing chronomaîtrisent le temps. Ils mettent un terme à l’instant. Ainsi, le vélodrome de Bercy n’est pas seulement l’occupation d’un espace vacant, mais aussi du temps. Et puis quoi, le terme ultime par la peine et l’effort c’est le Golgotha du cycliste. Mâte à mort des tribunes, le temps se fige à 13 minutes 27 sec. et ondizième au grand dégringolequota. On admire maintenant le laborieux devenu maître du temps par la force de ses jarrets tels de pierre. C’en est fait, le vélodrome va vomir ses occupants, la nasse fonctionne, l’illusion collective est régénérée. Au Moyen Age, quand la peste approchait, on mettait un terme à l’angoisse en donnant un nom à la cause du mal, les lépreux, les étranges, les sorcières. Raser Bercy, c’est encore de l’exorcisme. Ras le bol des intégristes et autres paranos !

L’ENSEMBLE TRANSCULTUREL INTERNATIONAL

L’idée vint de transformer les entrepôts de Bercy en une aire de création artistique. Les chais bas et longs deviendraient des ateliers transculturels où s’échangeraient des processus de création. En 1982, le projet fut porté par de célèbres personnes, les réunions avaient lieu chez Félix Guattari. On était reçu au ministère de la Culture. Le projet fit un moment son chemin dans la sphère gouvernementale jusqu’au président Mitterrand. Il fut envisagé d’intégrer l’aire de création artistique dans le bicentenaire de la Révolution. Mais Bercy est à Paris et Chirac était à la mairie, alors ce très inhabituel projet transculturel international n’alla pas plus loin.

Felix Guattari

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