Léonard de Vinci : La même cause qui dans tous les corps vivants meut les humeurs à l’en-contre de la loi naturelle de leur gravité, meut aussi à travers les veines de la terre l’eau prisonnière en elle, et la distribue par d’étroits conduits ; et de même que l’eau s’élève de la partie inférieure de la vigne jusqu’au point où la branche fut élaguée, ainsi des plus basses profondeurs de la mer, l’eau atteint les cimes des montagnes où trouvant les veines éclatées, elle se déverse à travers elles et fait retour à la mer « .
Pythagore : « Tu connaîtras autant qu’il est possible à un mortel que la nature est en tout point semblable à elle-même »
Spinoza : « Le conatus est l’envie de toute chose pour persévérer dans son être », l’envie d’être en vie.
Sous le microscope à balayage électronique du CNRS de Lyon, j’ai été surpris de voir dans un monde un million de fois plus petit qu’un grain de sable, des corps de forme familière, des bulbes, des tiges, des feuilles, des grappes, des concrétions. Des nanocorps de forme organique. Par mon métier d’architecte, je m’attendais à voir des corps platoniciens et le dôme géodésique des fullerènes composé d’hexagones et de pentagones. Mais j’avais aussi observé sur une plage au reflux de la mer, l’ondulation des clapots de sable. Le ruissellement de l’eau creuse une résille arborescente autour de clapots de sable en forme d’amande étirés vers la mer. Les ruissellements plus larges, plus creux, forment de même une résille en amande autour des résilles en amande des plus petits ruissellements. La forme du flux est en tout point semblable à elle même. J’avais ramassé en Sicile la tige sèche et creuse d’un cactus, enlacée de la même résille, en fibre végétale. Et j’avais observé que les nanotubes de carbone sont formés d’une résille d’atomes. Alors, sous le microscope à balayage électronique, quand je vois des formes organiques, je suis étonné qu’un corps ait une forme organique sans être un organisme, car on pense depuis Lamarck que « la fonction crée l’organe », et plus tard que « la forme suit la fonction » (fonctionnalisme). Entre deux corps dont l’un est un million de fois plus petit que l’autre, la permanence des formes est particulièrement remarquable. Ainsi, quand la géométrie des connexions atomiques génère un déploiement nanométrique en forme de bulbe dans un four à plasma à 800° en un éclair de seconde, on imagine la tension des atomes, l’agencement subtil des molécules, le flux dans la tige et l’épanouissement du bulbe. On génère une morphogenèse dans le nanomonde. Des atomes s’échangent, des molécules se composent et s’assemblent, des formes adviennent et se transforment, chaque moment génère le suivant. Chaque instant ruisselle comme l’eau polit le lit de sa pente.
Photos de Nanocorps (microscope à balayage électronique)
