la Nanopage
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Nanofrage, grosse catastrophe. Pourquoi ?

   

        Le projet NANOPAGE pour un très grand écran numérique souple, à base de nanotubes de carbone et de polymères, a été interrompu en mars 2006, faute d’avoir trouvé les fonds nécessaires au développement du prototype. La jeune entreprise innovante iNanov, initiatrice du projet depuis 2002, a été mise en liquidation.

Les raisons de ce naufrage méritent d’être connues car elles sont révélatrices de l’état d’esprit arriéré qui freine l’innovation en France et en Europe.

        L’histoire commence bien. En 1998, je dépose à l’INPI le brevet de la Nanopage. En 2000, ce projet est Lauréat de l’ANVAR. En 2001, il reçoit le 1er prix du Sénat pour le concours Tremplin entreprise. En mars 2002, je crée la société iNanov, et fait une levée de fonds de 150 000 euros début 2003, à laquelle s’ajoute un prêt remboursable de l’ANVAR de 150.000 euros. Un contrat de collaboration est passé avec le CNRS de Lyon et de Nantes pour développer la recherche sur les nanotubes de carbone et les polymères. En un an, quatre nouveaux brevets viennent compléter la propriété industrielle d’iNanov. Ma stratégie consistait à concéder des licences d’exploitation aux industriels dès que le prototype serait réalisé. En 2004 le projet Nanopage est lauréat de la recherche européenne. Et en février 2005, il est présenté sur le pavillon français du salon Nanotech à Tokyo, en présence du Ministre François Loos.

Comment un projet aussi emblématique
a-t-il pu échouer ?

        Pour financer le prototype, j'ai rencontré de très nombreuses sociétés d’investissement en France. Toutes ont reconnu le potentiel du projet, mais aucune ne voulut investir avant que le prototype ne soit réalisé. Les sociétés d'investissement ne financent pas de prototype, car elles raisonnent à trop court terme sous la pression de leurs actionnaires. Première déception !

        Je me suis donc tourné vers les aides européennes pour l’innovation. Autour du projet NANOPAGE, un consortium réunissant les plus grands laboratoires européens, fut constitué : CNRS, LETI-CEA, FRAUNHOFER, TUB, IMEC. Auquel participaient trois industriels : SAES, PLASSYS, BARCO. En 2004, l’Europe a accordé au projet Nanopage une subvention de 2,2 millions d’euros, échelonnée sur 3 ans. Parfait ! Toutefois, pour disposer de cette aide, il fallait que la jeune société iNanov possède le double en fonds propres. Intelligent n'est ce pas ?

       Cette situation absurde vient de ce que les aides européennes ne sont attribuées qu’en remboursement de la moitié des dépenses effectuées par le bénéficiaire. Autrement dit : sans trésorerie initiale, pas de subventions ! Par conséquent, une entreprise ou un inventeur sans fortune, ne peut bénéficier des aides publiques à l'innovation. Ce dispositif n'est pas seulement injuste, c'est une contre performance. Car il ignore que les sources de l'innovation se trouvent souvent dans de très petites entreprises ou chez des individus isolés. Il ignore que ceux-là ont peu de moyens financiers, mais qu'ils ont des idées plus novatrices que des compagnies fortunées. La cause essentielle de la difficulter d'innover vient de cette inadéquation des aides qui néglige la source des inventions. Je propose qu'une entreprise innovante mais sans fortune, puisse bénéficier d'un prêt remboursable à la première levée de fonds, pour lui permettre de réaliser un prototype et péréniser sa propriété industrielle.

        iNanov, pour débloquer la subvention européenne, a accepté de céder la gestion financière du projet Nanopage à un laboratoire du consortium, l’Université Claude Bernard de Lyon. Grâce à cela, les laboratoires européens ont pu commencer à travailler. Cependant, iNanov, ne pouvait toujours pas toucher la part de 300 000 euros de subventions qui lui était attribuée, car elle ne disposait pas de 600 000 euros en caisse. Le cauchemard continuait !

 


 

         Je me suis adressé à OSÉO-ANVAR en espérant trouver une aide appropriée pour les jeunes entreprises innovantes. Mais en France, aucune aide ne peut être attribuée sans trésorerie initiale égale au montant de l'aide. Condition sine qua non. J'ai écris à quelques ministres et directeurs de l'innovation, pour les avertir de ce grave dysfonctionnement. Sans effets. Courriers.

Les aides publiques sont inadaptées à la réalité financière d'une jeune entreprise innovante. Ne seraient-elles destinées qu'aux sociétés fortunées ?

         iNanov s'endettait. Les salariés associés ont activé les Prudhommes en aggravant la dette. Je me suis retrouvé seul à bord. Les banques refusaient un prêt, même garanti par les brevets, tant qu'ils n'étaient pas validés par un prototype. Ça tourne en rond. J'ai tenté de nouveau de convaincre des investisseurs, mais sans succès, la boîte commençait à couler. Il a fallu déclarer la société en cessation de paiement. Les échéances des cinq brevets internationaux arrivaient à leur terme, j’ai emprunté à titre personnel pour les sauver. Des brevets particulièrement innovants, appliqués aux écrans souples en nanotubes de carbone et polymères, avec adressage individuel des pixels.

        Un jour où je revenais du Tribunal de Commerce de Paris qui avait accordé un délai de trois mois à iNanov, j'ai été contacté par la délégation commerciale de Taïwan à Paris. "Votre projet nous intéresse, venez le présenter à Taïwan". D'accord, mais je n'ai pas de quoi payer l'avion ni l'hotel. "Notre gouvernement vous invite". En juillet 2005, j’ai débarqué à Taïwan accompagné de Jean Michel BILLAUT, agitateur d'innovation. Un autre monde ! Un chauffeur nous attendait près d'une longue limousine noire, avec les fanions du pays à l’avant. La suite de l’hôtel était plus grande que mon appartement. Pendant cinq jours, j'ai rencontré des investisseurs, des industriels et les chercheurs du grand laboratoire ITRI. J’avais l’impression d’être Marco Polo. De retour en France, j’étais plutôt Robinson Crusoë. C’était trop tard ! Car l’Europe a décidé de mettre un terme au projet NANOPAGE, en raison des difficultés financières d'iNanov, et cela en dépit de résultats scientifiques incontestables et fructueux. Ce séisme a entraîné sans délai la liquidation judiciaire de la société. Les brevets ont été rachetés au liquidateur par une start-up.

         Je me suis retrouvé sans une tune, sans chômage (PDG), et endetté. Nanofrage... Je vis zen et travaille à d'autres inventions : un logiciel de communication pour les chantiers (BATIMAX), un instrument de musique visuelle sur écran tactile, un immeuble en bois bioclimatique pour des jeunes (présentation), la digue molle... Je cherche des financements. Récurrent problème de l'inventeur. Mais je vis beaucoup mieux maintenant.

        Les bonnes questions doivent être posées pour résoudre la difficulté d'innover. Le changement nécessaire n'est pas structurel, mais mental. En effet, la question Pourquoi une jeune entreprise innovante mais sans fortune ne peut-elle bénéficier d'aide à l'innovation ? ne pose pas de problème matériel. Par contre, la méfiance des aides publiques pour les très petites entreprises et les inventeurs, est un frein d'origine mentale. Cette attitude exile les inventions dans les pays où l'on fait confiance aux inventeurs. De même, le machisme technocratique et le paternalisme cynique qui tolèrent ce dysfonctionnement des aides, sont une condescendance d'ordre mental, qui contribue à brider l'innovation. On ne doit pas oublier que le brevet français des écrans LCD a été vendu un franc symbolique par Thomson à Sharp, qui en a fait le profit que l'on sait.

        Les aides à l'innovation doivent commencer par elles-mêmes innover. Leur état d'esprit est pré-copernicien, alors qu'émergent maintenant des modèles mobiles, autonomes et interactifs, mieux adaptés aux sociétés post-industrielles. La source de la nouveauté est un nouveau paradigme.

Jean Chrétien FAVREAU,
architecte de la Nanopage

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